La généralisation de la facturation électronique pour toutes les entreprises françaises était initialement prévue à partir de juillet 2024. Toutefois, l’annonce récente de son report par le gouvernement a rebattu les cartes pour de nombreuses entreprises, en particulier les TPE et PME. Si ce délai est perçu comme un répit bienvenu pour certaines, il soulève aussi de nouvelles questions, notamment en matière de préparation et de conformité. Alors, doit-on relâcher la pression ou en profiter pour mieux se préparer ? Décryptage d’un report stratégique et de ses impacts concrets pour les petites structures.

Pourquoi la facturation électronique est-elle repoussée ?

Prévue par l’ordonnance du 15 septembre 2021, la généralisation de la facture électronique entre entreprises assujetties à la TVA visait à moderniser la gestion fiscale tout en renforçant la lutte contre la fraude. Ce choc de simplification portait des attentes élevées : automatismes comptables, réduction des coûts administratifs, gains de productivité… Mais voilà, face à des remontées terrain de professionnels inquiets – notamment sur la maturité technique des entreprises et des éditeurs de logiciels – le gouvernement a décidé de repousser l’échéance.

Le nouveau calendrier, bien que non encore officialisé au moment où cet article est rédigé, prévoit une entrée en vigueur progressive entre 2026 et 2027. Cette décision est notamment motivée par la nécessité de garantir une meilleure interopérabilité des plateformes et un accompagnement adapté pour toutes les tailles d’entreprise, notamment les plus petites et les plus exposées aux risques d’erreurs ou de non-conformité.

Un sursis bienvenu pour les TPE et PME

Pour une TPE ou PME, la gestion quotidienne est souvent un exercice d’équilibrisme entre obligations juridiques, gestion des ressources, et veille technologique. Le report offre un temps précieux pour s’organiser, se former, et choisir les bons outils. Car, soyons honnêtes : combien d’entreprises étaient réellement prêtes à basculer leur système de facturation en mode électronique complet ?

Beaucoup ont encore recours à des factures papier ou à des fichiers PDF envoyés par email, sans savoir que ces formats ne suffiront plus demain. La facture électronique exigera, à terme, le passage par des formats spécifiques structurés (comme Factur-X, UBL ou CII) et leur transmission via des plateformes agréées comme le Portail Public de Facturation (PPF), ou via des Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP).

Ce délai supplémentaire permet donc de :

  • Mettre à niveau les systèmes comptables existants
  • Comparer les logiciels compatibles avec les exigences futures
  • Former les équipes internes, souvent peu familières de ces outils
  • Échanger avec son expert-comptable ou son prestataire de paie pour clarifier les changements à anticiper

Mais ce n’est pas le moment de baisser la garde

Attention à ne pas voir ce report comme une excuse pour tout repousser au lendemain. Car une chose est sûre : la facturation électronique généralisée n’est pas annulée, seulement retardée. Et comme souvent en transformation digitale, c’est ceux qui anticipent qui en tirent les plus grands bénéfices.

En s’y préparant dès maintenant, les TPE/PME peuvent éviter un stress inutile en 2026. Et mieux encore : elles peuvent commencer à tirer avantage de cette évolution.

Imaginez : plus d’envois postaux, moins de saisie manuelle (et donc moins d’erreurs !), une meilleure traçabilité, et un rapprochement facilité avec votre comptabilité. Cela devient un levier de productivité, au-delà d’une contrainte administrative.

Quelles conséquences concrètes pour une PME aujourd’hui ?

Dans l’immédiat, aucune sanction ne tombera pour les entreprises qui émettent encore leurs factures en PDF ou sur papier. Mais il est fortement recommandé de démarrer un audit de ses pratiques actuelles. Saviez-vous, par exemple, que certaines entreprises ont déjà commencé à passer en mode “pré-facture électronique” ?

Voici quelques pistes pour les TPE/PME souhaitant avancer malgré le report :

  • Cartographier ses flux de facturation : À qui envoyez-vous des factures ? Sous quel format ? Quels sont vos volumes mensuels ?
  • Évaluer son outil de facturation actuel : Est-il capable de générer des factures aux formats structurés ? Est-il compatible avec une PDP ?
  • Simuler une intégration : Certains logiciels proposent déjà des tests pour émettre ou recevoir une facture électronique dans un format conforme.

De nombreuses start-up et éditeurs de logiciels — Yuki, Pennylane, Sage, Sellsy pour n’en citer que quelques-uns — positionnent déjà leurs solutions pour le basculement à venir. En parler dès maintenant avec son éditeur permet souvent de bénéficier de modules mis à jour ou de formations intégrées.

Quel lien avec la paie et la gestion RH ?

On pourrait croire que la facture électronique ne concerne que les services comptables ou la direction administrative. Et pourtant, certaines interactions existent bel et bien avec la gestion paie et RH. En externalisant leur paie, beaucoup de TPE envoient encore des justificatifs, abonnements logiciels, ou prestations en PDF à leur prestataire. À l’avenir, ces flux seront eux aussi appelés à changer.

Par ailleurs, un prestataire en paie facturant à ses clients devra également s’adapter au nouveau standard. L’effet domino peut ainsi être important :

  • Réorganisation des processus de facturation client pour les cabinets RH, paie et conseils
  • Nouvelles compétences à intégrer côté RH pour les entreprises gérant en interne
  • Montée en puissance de l’automatisation, notamment dans les flux entre SIRH et ERP

Des formations croisées entre le service RH, DAF et informatique ne seront certainement pas un luxe dans les mois à venir.

L’opportunité de repenser son organisation

Le report, c’est aussi l’occasion rêvée de repenser ses outils collaboratifs. Trop souvent, dans les petites structures, la gestion administrative reste centralisée sur une seule personne – qui finit le nez dans des tâches répétitives, comme saisir des factures d’achat ou relancer des impayés à la main.

La facture électronique permet d’automatiser une grande partie de ces tâches, via des outils bien intégrés avec votre système comptable ou bancaire. Par exemple :

  • Un fournisseur envoie sa facture via le PPF → elle est classée automatiquement dans le bon dossier
  • Une alerte se déclenche si une échéance tombe à proximité
  • Les logiciels de compta récupèrent automatiquement les données pour les saisir en comptabilité, en récupérant les taux de TVA et les libellés

Résultat ? Moins d’erreurs de saisie, un meilleur suivi des paiements, et plus de temps pour des tâches à plus haute valeur ajoutée. Un gain d’efficacité que peu d’entreprises souhaitent aujourd’hui ignorer.

Et maintenant, on fait quoi ?

Tout report est un répit, pas une dispense. Plutôt que de remettre le sujet à l’année prochaine, pourquoi ne pas s’en emparer dès maintenant de manière proactive ? Voici quelques actions très concrètes à engager dans les prochaines semaines :

  • Discuter avec votre expert-comptable : Il ou elle sait déjà quels outils sont compatibles, et peut vous guider dans les démarches à anticiper.
  • Consulter votre éditeur de logiciel actuel : Demandez-lui s’il sera compatible PDP ou si une mise à jour est prévue.
  • Lancer une formation ou une sensibilisation en interne : Une session de 2h peut suffire pour aligner les équipes sur les enjeux et les bonnes pratiques.
  • Faire un état des lieux de vos clients et fournisseurs : Sont-ils eux aussi exposés à cette réforme ? Un dialogue peut aider à s’harmoniser et à anticiper les changements de processus.

La digitalisation de l’administration fiscale n’est pas qu’un effet de mode : c’est un mouvement de fond, comparable à l’arrivée de la DSN en paie. Les entreprises qui y voient une opportunité (et non une simple complexité supplémentaire) tireront clairement leur épingle du jeu.

Alors autant commencer à jouer les bons coups dès maintenant, avec méthode – et pourquoi pas avec un brin de curiosité !